Jazz Halo N°1 - Avril 1999

Félix Simtaine, le passeur

Figure emblématique du jazz en Belgique, Félix Simtaine a côtoyé, en quarante ans de carrière, les meilleurs musiciens du Nord comme du Sud du pays, croisé la route de nombre de grandes pointures américaines et sillonné les routes d'Europe, du Festival de Montreux aux petits clubs de la Pologne profonde. Présent sur une trentaine d'albums, il s'est illustré dans toutes les formules possibles, du solo absolu de batterie de Leedy Babylass sur l'anthologie "Intensive Act" à la grande formation, avec le légendaire Act Big Band. S'il est un héritier de la tradition swing, il sait s'adapter à tous les contextes comme l'a encore montré cette étonnante jam-session de la soirée "Django d'or" lors des Jazz Halo Days de 97 où son drive vigoureux a véritablement servi de catalyseur entre le piano de Charles Loos, le ténor de Kurt van Herck et la guitare tonitruante de Français Claude Barthélemy. Admirateur de Gene Kruppa et de Mel Lewis, il apprécie également Daniel Humair ou Bill Stewart. Et s'il a côtoyé des figures légendaires du passé comme Chet Baker, il a toujours été le premier à donner sa chance à des jeunes musiciens que ce soit le violoniste Jean-Pierre Catoul au sein de l'Act Big Band an 86, le saxophoniste André Donni sur "Intensive Act" ou, dernièrement, Nicolas Folmer lors du Festival des Lundis d'Hortenses en 98. Rien qu'à ce titre, Félix Simtaine fait figure de véritable passeur entre générations de musiciens mais aussi entre styles de musique.

Né en 1938, Félix Simtaine doit ses premiers rêves de musicien à son père :
"Quand j'étais gosse, à Verviers, mon père tenait un cinéma et, quand il n'y avait pas de séance, j'installais sur la scène des pupitres d'orchestre qui étaient restés dans la réserve depuis le temps du music-hall. C'était mon big band à moi" A seize ans, Félix trône derrière sa première batterie. Vingt-cinq ans plus tard, il dirige Act : il a réalisé son rêve d'enfant.

Le parcours d'un sideman

Après ses débuts verviétois, la carrière de Félix prend son envol avec les liègeois Robert Jeanne et Léo Fléchet, deux habitués du festival de Comblain-la-Tour, grâce à qui il rencontre René Thomas. De cette époque, subsiste, sur le CD "Guitar Genius", la trace de deux thèmes gravés en 1968. En 1969, Félix Simtaine s'installe à Bruxelles et sa carrière prend une nouvelle envergure avec les groupes Cosa Nostra de Jack Van Poll et Solis Lacus de Michel Herr. Mais ces escapades vers le jazz rock ne l'empêchent pas d'accompagner, à l'occasion, de grands musiciens américains comme Joe Henderson au festival de Bilzen ou George Coleman au Pol's Jazz Club.

À l'aube des années 80, de nombreux musiciens belges se regroupent au sein de l'ASBL Les Lundis d'Hortenses et créent le label LDH dont l'œuvre sera poursuivie plus tard par la firme Igloo. La carrière discographique de Félix en tant qu'accompagnateur est principalement liée à ces musiciens. Dés 1977, Félix se retrouve aux côtés de Michel Herr pour enregistrer "Ouverture éclair", une série de six compositions originales du pianiste bruxellois. Avec Michel Herr et Jean-Louis Rassinfosse, il forme, en 1980, la rythmique de Saxo 1000, octet destiné à rendre hommage à Bobby Jaspar et à René Thomas dans le cadre de la célébration du Millénaire de la Principauté de Liège, puis celle du quartet de John Ruocco (album "Soon Spring") et du quintet de Richard Rousselet (album "No maybe"). Autre pianiste phare dans la carrière de Félix : le bruxellois Charles Loos. Après avoir fait partie de son quintet aux accents évanescents 'album "Sava" en compagnie du guitariste français Serge Lazarevitch), il retrouve Loos sur "Secret Laughs" (avec Ricardo Del Fra), puis "En public au Travers" (avec Philippe Aerts) et forme avec lui un quartet qui accueille tantôt John Ruocco, tantôt la flûtiste américaine Ali Ryerson. Dans les années 80, Félix rejoint également le groupe Trinacle du saxophoniste liégeois Pierre Vaiana grâce auquel le public belge découvre un fabuleux contrebassiste hollandais : Hein van de Geyn. Avec Vaiana, il fait aussi partie en 1986, du quintet Diva Smiles du pianiste brugeois Kris Defoort. L'année suivante, il retrouve Serge Lazarevitch en trio pour une tournée en France, puis enregistre "New York Stories" avec le guitariste Jean-François Prins. 1992 sera l'année d'une longue tournée en Pologne où, grâce au bassiste Andrzel Cudzich qui fait partie de son quartet East and West Connection, il rencontre les saxophonistes Janusz Muniak, Jan Wroblewski, Peter Baron, Thomas Szukalski et Zbigniew Namyslowski ainsi que le guitariste Jarek Smietana avec lequel in enregistre l'album "Cooperation" et qu'il retrouvera, au Festival Jazz à liège, en compagnie de Namyslowski. En 194, Félix rejoint, pour un temps, l'octet Octurn, auprès des jeunes loups que sont Laurent Blondiau, Ben Sluijs, Bart Defoort, Jeroen van Herzeele et Bo van der Werf (album "Chromatic History), musiciens que l'on retrouve pour la plupart au sein du Brussels Jazz Orchestra dirigé par Frank Vaganee. La même année, il enregistre "Rythm Sphere" avec Eric Légnini, Joe Lovano et Philippe Aerts. Il tourne aussi avec le trio de Lew Tabackin (album "L'Archiduc, round about five") et le quintet des barytons Gary Smulyan et Bo van der Werf (deux plages sur l'anthologie "Intensive Act"), puis forme, avec le contrebassiste Jean Warland, la rythmique du big band de guitares réuni par Fabien Degryse pour un "Hommage à René Thomas". C'est avec cette formation et son légendaire Act Big Band que Félix fête ses soixante ans au dernier festival Jazz à Liège avant de gagner la Tchéquie où il se produit avec Phil Abraham.