Félix Simtaine - JAZZ HOT N°549

This cat can swing !

Ce n'est pas sans raisons que Félix Simtaine apparaît sur la couverture du Dictionnaire du Jazz à Bruxelles et en Wallonie (Ed. Pierre Mardaga 1991) ; non seulement parce qu'il est un excellent batteur, mais aussi parce qu'il est en quelque sorte le fil rouge du jazz moderne belge. Né à Verviers le 26 avril 1938, il a fait ses classes dans l'ombre des grands liégeois : Bobby Jaspar, Jacques Pelzer e René Thomas. Amateur d'abord, il constitue avec Léo Fléchet (p), Jean Lerusse (b) et Robert Jeanne (ts, ss) le home band des "années comblain". Musicien reconnu et apprécié, il faudra néanmoins attendre 1970 pour qu'il se décide à passer professionnel. Sa carrière prend alors une tournure fulgurante. Avec Jack Van Poll, Rhoda Scott et Michel Herr, il accompagne les solistes de passage : Joe Henderson, Lou Bennett, Chet Baker, Slide Hampton, Toots Thielemans, Jimmy Heath, George Coleman, Barney Wilen, Sahib Shihab, Nathan Davis, Les McCann, Dizzy Reece, Pete King, Jiri Stivin, Jimmy Gourley, Tete Montoliu, Disko Goykovich, Pepper Adams, J.R. Montrose, Joe Lovano, Charlie Rouse, Ali Ryerson, etc. C'est en 1979 qu'il fonde Act Big Band. Souvent comparé au Thad Jones/Mel Lewis, Act se produit encore trop rarement aujourd'hui, même s'il a révélé en deux décennies la plupart des jeunes musiciens qui revivifient la scène belge. Pour combler les vides qu'un tel groupe laisse au fil d'une saison, Félix se joint en petite et moyenne formation à Charles Loos, Michel Herr, Steve Houben, Paolo Radoni, Richard Rousselet, Serge Lazarevitch, John Ruocco, Jean-Louis Rassinfosse, Saxo 1000, puis il joue avec les plus jeunes : les frères Vandendriessche, Kris Defoort, Bert Joris, Pierre Vaiana… Collectionneur mondialement connu des modèles "Américan Flyer" (modèles réduits de trains), locomotive du plus réjouissant des "rebop", Félix Simtaine a constitué ces dix dernières années, avec une curiosité toujours réjouissante, à nous montrer la voie, accrochant sa machine à swing aux wagons d'Octurn, de Lew Tabackin, Gary Smulyan et Bo Van der Werf…
Le Festival des lundis d'Hortense célèbre en mars le fringant batteur et à l'occasion du prochain festival Jazz à Liège, Félix Simtaine fêtera ses 60 ans et sera entouré pour l'occasion de toute la grande famille du jazz belge qui lui doit tant. Ce sera à n'en pas douter l'un des grands moments pour ce jeune ancien, toujours à la pointe de la découverte et du swing, comme son excellent album Intensive Act en atteste.
Il est temps que Félix fasse découvrir hors de Belgique le talent d'un des meilleurs batteurs - de jazz - du Vieux Continent…

Propos recueillis par Jean-Marie Hacquier

Jazz Hot : A près de soixante ans d'une vie bien remplie, que retirez-vous de votre carrière de batteur ?

Félix Simtaine : J'ai des souvenirs formidables et j'espère m'en faire encore beaucoup. Pourtant, j'ai quand même moins de plaisir à jouer maintenant : soit parce que je suis devenu plus exigeant, soit parce que ça m'amuse moins qu'avant… Je ne sais pas exactement. Avant, j'étais sans doute plus inconscient ; je jouais probablement moins bien que maintenant, mais je ne me rendais pas bien compte de mes possibilités ; j'étais beaucoup plus insouciant. Il y a beaucoup de choses qui ne m'intéressent plus dans la musique actuelle : des expériences que j'ai faites dans le jazz, mais aussi dans ce qu'on a appelé la musique "flexible".

Mais vous n'avez pas fait du free à la fin des années soixante ?

Si, j'ai fait du free aussi. J'ai été au Festival de Montreux en 1979 avec un orchestre de semi jazz, semi électronique. Il y avait Philip Catherine, Léo Fléchet, Richard Rousselet et un journaliste, musicien électronique : Jacques Bekaert. On a fait un flop colossal !
(rires).

À part Bekaert que je connais mal, les autres ne sont pourtant pas des adeptes du free jazz…

Non, certainement pas ! C'était une expérience. J'ai aussi fait du rock et du free-rock avec Jess and Jame, Aksak Maboul puis Musique Flexible de Franck Wuyts et du violoncelliste Denis Van Herck. Jean-Louis Rassinfosse jouait également dans ce groupe car il ne faut pas oublier qu'il est non seulement un grand contrebassiste par la taille et le talent, mais il est aussi un formidable comédien. Il allait très bien dans ce truc-là ! J'ai fait du quartet, du big band, du trio, du quintet, du sextet, de l'octet, du nonet (rires) dans tous les styles. Ces dernières années, il y a un orchestre qui m'a amusé à ses débuts : Octurn. Par la suite, ils ont un peu changé leurs objectifs musicaux et je ne me sentais plus tout à fait à l'aise ; ce n'était plus la musique qui m'intéressait.

Parce que trop écrit ?

Non, pas nécessairement, mais l'écriture devenait un petit moins jazz… au sens où le l'entends !

Moins swing ?

Oui. Et puis, c'était une musique composée de suites et ça m'amusait moins. En ce qui concerne l'écriture, tout le monde sait que je ne lis pas la musique, alors, que ce soit écrit ou pas, je mémorise tout. Ça m'amusait moins, alors nous avons eu quelques divergences de vue et, sentant qu'il aurait été de bon ton de changer de batteur, j'ai donné ma démission. Ce fut avec une certaine tristesse, car je m'y suis beaucoup amusé. Nous avons fait les beaux soirs du Sounds pendant un an ou un an et demi ; ce groupe avait des fans, des gens qui suivaient. Je ne suis pas sûr que c'est encore comme ça maintenant…

Y a-t-il des regrets par rapport à votre carrière ou par rapport au directeur de cinéma que vous étiez lorsque vous aviez 25 ans ?

Aucun regret ! Maintenant, par contre, ça m'amuserait beaucoup de refaire du cinéma. C'est un chouette métier, mais je crois que je serais complètement dépassé car je ne suis pas vraiment cinéphile. Je vais au cinéma pour voir des films qui m'amusent et pas pour m'emmerder. L'exploitation de 1960 est totalement différente de celle de 1990. Mais ça peut se réapprendre.

Vous êtes resté l'opérateur de Cinéma Paradisio ?

Oh oui, j'aimais beaucoup ce film ! Concernant ma carrière, je n'ai aucun regret ; sauf, peut-être celui de ne pas avoir eu assez de couilles au cul (pardonnez-moi l'expression) pour quitter ce pays. Pourtant, on me l'a souvent proposé.

Rhoda Scott ?

Notamment ! Mais aussi Eddy Barclay, des gens qui m'ont dit : "Qu'est-ce que tu fous là ?" Et, unfortunately, c'est bien vrai !

Revenons un peu en arrière. Dans votre feeling de batteur, très intuitif, il y a à la base une manière très swing…

J'ai vu et écouté tous les grands batteurs qu'on dit "classiques" maintenant : Art Blakey, Kenny Clarke, Philly Joe Jones, Jo Jones (le père de la batterie) et aussi toute une série de blancs comme Shelly Manne, Chico Hamilton, Buddy Rich…

…Al Levitt ?

Oui, je sais que vous l'aimez bien, mais ce n'est pas mon préféré ; c'est une légende qui court sur moi. Il avait un jeu assez proche de Daniel Humair. C'est peut-être parce qu'ils écoutaient la même musique, dans les années soixante.

On vous a d'ailleurs beaucoup comparé à Daniel Humair dans ces années-là !

Nous avons le même âge à un mois près. Je ne sais pas d'ailleurs qui est le plus âgé des deux. Disons que c'est lui ! (rires). Il m'a beaucoup impressionné et influencé. Je l'avais vu au stand CBS dans le pavillon américain en 1958, à l'expo de Bruxelles. Il jouait avec le pianiste Scott Bradford qui habitait Bruxelles, et un bassiste suisse : Eric Peter. Ils se produisaient trois fois par jour et j'allais les écouter quand j'étais en congé - à l'époque je faisais mon service militaire. Je n'allais à l'expo que pour écouter Daniel ; j'étais fasciné par son jeu car il était gaucher-droitier ; il jouait à l'envers de tout le monde : à droite des mains, à gauche des pieds. Je trouvais ça formidable !

Y a-t-il pour vous un père de la batterie ?

Oui, probablement, mais je ne sais pas qui. Il y en a tellement ! Pour le moment, je redécouvre le père Jo Jones, un batteur d'un raffinement incroyable, d'un swing magnifique et d'une telle simplicité ! C'est ça l'important. Pour moi, un grand batteur est celui qui joue sobrement, qui a un bagage derrière lui et qui le garde dans son sac pour ne le sortir que lorsqu'il faut ; qui swingue à la cymbale tant à la baguette qu'aux balais. Jo Jones, c'est ça, avec en plus un énorme sourire ; c'est un showman extraordinaire, mais ce n'est pas déplaisant. Moi, je suis entré dans le jazz dans les années soixante, à l'époque du bebop et du cool, à l'époque où il fallait tirer la gueule pour être dans le ton, avoir l'air inspiré. Cette attitude a fait beaucoup de tort au jazz, croyez-moi !

C'était aussi l'époque où le jazz revendiquait un statut intellectuel…

Oui, à New York, cela se passe à la Juilliard Academy. Au cours de grands concerts, on a prouvé que le jazz est l'art du XXe siècle et qu'un des plus grands compositeurs en est Duke Ellington ! Mais on n'a pas besoin de tirer la gueule et de se foutre une crampe. Ici, de plus, on a le complexe des petits pays… On a beau dire ce qu'on veut, l'Amérique, ce n'est pas que les hamburgers, et le jazz c'est quand même une méchante culture. Vous me direz qu'il n'existe pas seulement à cause des Noirs, qu'il y a eu un melting pot. Les premiers colons, les Indiens, les Ukrainiens apportent quelque chose… C'est normal que le jazz soit né en Amérique ! Il n'aurait pas pu naître ici parce qu'en plus il est né avec les Noirs !
Des gens plus prolixes que moi ont raconté l'histoire des pauvres Noirs enlevés de leurs tribus africaines qui ont mélangé leurs rythmes avec la musique des Blancs, joué avec des instruments qu'ils ne connaissaient pas et fait naître le jazz. Alors, qu'on ne me dise pas qu'il n'y a pas de culture en Amérique ! Je ne suis pas d'accord avec ça !

Si je vous suis bien, la musique que vous aimez faire aujourd'hui n'est pas la musique d'un style particulier, c'est la musique d'un héritage ?

Oui, la musique d'un héritage pluristylistique : le jazz !

Vous pouvez accompagner un hommage à Louis Armstrong comme un hommage à John Coltrane ?

Oui, bien sûr, et je prendrais mon pied aussi bien avec l'un qu'avec l'autre ! Il y a quelques minutes, vous m'avez raconté l'hommage à Louis Armstrong du Festival de Montréal et c'est ce qui m'a fait le plus vibrer ; je me suis dit : "Ah, comme j'aurais aimé être le batteur de ce groupe !". Je redécouvre Armstrong par les CDs que j'achète, et on a vu un de ses batteurs, Barret Deems, qui doit avoir 82 ans et qui joue encore à Chicago ; c'est une légende vivante du jazz ! Je connais un collectionneur de disques, un diplomate suisse, qui m'a fait entendre un disque du big band de Barret Deems ; c'est très bien, conventionnel ; il avait 79 ans de l'époque.

En fait, vous privilégiez le feeling à l'exercice de style.

Oui,  le feeling ! Un soir, je suis allé écouter à Anvers un trio avec Franck Vaganée, Philippe Aerts et Dré Pallemaerts. Au mois de mai, après le concert du big band sur la Grand'Place, Franck m'a dit : "Ne veux-tu pas venir jouer à la place de Dré ? On a quelques originaux, mais comme on n'a pas le temps de répéter, on ne les fera pas". Il n'en revenait pas, car j'ai joué comme il ne pensait pas que je pourrais jouer. Vaganée est le meilleur saxophoniste alto de Belgique parmi les jeunes ; il joue très vite. Il n'en revenait pas car j'étais là. Deux jours plus tard, je jouais avec André Donni, son père à la guitare et Paul Dubois, ce contrebassiste extraordinaire qui raconte des tas d'histoires d'avant-guerre sur des batteurs que je connais.

Mais vous jouez quand même différemment selon les cas ?

Ecoutez, je vais vous dire un truc : moi, j'ai un style all rounded qui ,passe partout : vous savez sans doute que mon batteur préféré est Mel Lewis ; on m'a surnommé "le Mel Lewis belge". Le son est pratiquement le même et il y a aussi l'attitude et la fameuse cymbale chinoise d'avant-guerre qui nous caractérise. Elle est pratiquement introuvable et c'est ce qui fait qu'on a ce son. J'avais entendu cette cymbale chinoise chez George Wettling, le batteur du guitariste Eddie Condon qui avait un club à New York. Je voulais cette cymbale et je savais qu'il y en avait une en Belgique. C'est un miracle, je l'ai retrouvée à Verviers chez des amis d'enfance et ils m'en ont fait cadeau.

C'est cette cymbale qui a un son très long ?

Oui, elle a la forme d'un chapeau mexicain : je l'ai toujours, mais elle en train de mourir du cancer de la cymbale !

C'est-à-dire ?

Elle se fendille et il n'y a pas moyen d'arrêter cette dégradation. Philippe Aerts (le contrebassiste) qui est un grand chercheur de cymbales et un grand amateur de batteries, m'en a trouvé une d'occasion dans un magasin de Flandres.

À propos du matériel, je pense que vous avez un peu tout essayé, depuis la Premier en passant par Gretsch, Yamaha…

Pas Yamaha, je la laisse à mon collègue Castellucci ! J'ai été de temps en temps obligé d'en utiliser une lors de festivals et concerts lorsque je ne pouvais pas matériellement amener ma batterie. Je ne joue pas sur ces "japonaiseries" sauf si j'y suis obligé, car c'est embêtant lorsque vous avez un son qui n'est pas le vôtre. J'ai effectivement eu une Premier - que je regrette d'ailleurs ; ensuite une batterie suisse que je regrette aussi. À présent, j'ai deux Gretsch et un mélange de Gretsch avec une vieille Swingerland d'avant-guerre, avec des peaux naturelles. C'est celle-là que j'utilise tout le temps ; c'est une batterie de trois couleurs différentes, mais je m'en fous !

La caisse claire est Gretsch ?

Non, la caisse claire est anglaise, Autocrat, une marque qui a complètement disparu ; les tom-tom sont Swingerland Radio King - modèle Gene Krupa 1935 -, avec des peaux naturelles d'origine et la gosse caisse est Gretsch des années cinquante. J'au eu un Ludwig aussi et une Swingerland complète que j'ai été revendre pour une bouchée de pain, comme un con ! J'ai aussi la grosse Leedy complète, de 1937, et je l'utilise avec le big band.

Et vous n'avez jamais joué avec deux grosses caisses ?

Si, souvent ! Mais c'est une technique à part, comme Sam Woodyard. C'est assez impressionnant !

Vous êtes donc un amoureux des big bands, mais vous aimez aussi jouer en trio ou en quartet…

J'ai la chance de ne pas avoir la réputation d'un batteur de big band qui ne sait rien faire d'autre. J'ai toujours aimé jouer des balais. D'ailleurs il fallait entendre Sam Woodyard aux balais ; c'était fabuleux ! C'est aussi parce que j'ai beaucoup écouté Chico Hamilton avec le groupe de Gerry Mulligan et Chet Baker, puis avec Bob Brookmeyer, que j'aime jouer aux balais. Je me souviens aussi d'un disque que j'aimais beaucoup avec Paul Motian, Scott La Faro et Bill Evans.

Votre disque, Intensive Act, est un peu l'anthologie de Félix Simtaine ; on vous trouve en trio, en quartet, en quintet, en big band et en solo. Est-ce un concept libre ou vous a-t-on demandé de l faire ainsi ?

Non, pas du tout. On m'a demandé de faire un disque sous mon nom parce que j'ai toujours été le sideman de quelqu'un. J'ai fait trois propositions qui ont été soumises au conseil des Sages dans leur igloo et c'est la troisième, la plus variée qui a été acceptée. La première consistait à un enregistrement en big band, mais, en plus des arrangements de Michel Herr et Bert Joris, on aurait pris d'autres arrangeurs comme Jean-Lou Lognon. La seconde proposition, c'était un enregistrement avec Gary Smulyan en hommage à Thad Jones… mais, certains copains, comme Michel Herr, m'ont dit : "Il y a mille orchestres qui vont faire ça, il faut faire autre chose". C'est pourquoi j'ai eu l'idée de faire une variété de trucs, du trio au quartet. En fait, le trio avec Eric (Legnini) n'est venu qu'en cours de route ; on ne devait pas enregistrer en trio ; c'est entre deux morceaux, pendant qu'André (Donni) choisissait de nouvelles anches pour son saxophone, qu'il m'a dit : "Tiens, je voudrais bien essayer cela en trio". On a essayé, complètement improvisé, et comme Daniel Léon (directeur d'Igloo) était d'accord, on l'a fait en deux prise ! Pour le solo, c'est une petite histoire, en fait. C'est une histoire qui commence sur une colline. Il fait très chaud, il y a des grillons, etc. Puis, à un moment donné, il y a un vilain serpent qui s'amène : tchk-tchk-tchk-tchk et on entend les cloches des biquettes : diling-ding-ding… Ecoutez le disque, vous verrez ! Le serpent s'approche des biquettes et tout le monde s'enfuit ; il y a même le cheval, on entend le galop, et il y a l'orage dans le fond qui commence, et puis voilà, quoi ! J'ai joué sur trois batteries différentes. J'ai joué sur la grosse Leedy pour avoir un son Krupa ou à la Buddy Rich, à la fin. J'ai aussi joué sur des Gretsch avec un son plus ouvert, avec d'autres cymbales. Tout s'est fait en une après-midi ; on s'est bien amusé ; je courrais d'un coin à l'autre du studio parce qu'il y avait mes trois batteries et des tables où se trouvaient les instruments de percussion. Ensuite il y a eu l'enregistrement avec les deux barytons, puis il y a eu le big band.

N'y a-t-il pas chez André Donni un certain classicisme qui vous plaît ? André est un jeune ténor qui ne joue pas en coltranien, il a un gros son avec du vibrato. Et vous, vous êtes un musicien qui a vécu toute l'histoire du jazz de l'après-guerre et qui retourne vers des valeurs essentielles…

Oui, peut-être, c'est mon retour à Krupa. Quant aux valeurs essentielles d'André Donni, je pense qu'il faut l'écouter jouer ; il peut jouer des choses très modernes avec Charles Loos, mais ce n'est pas un suiveur de Michael Brecker ou de John Coltrane. Pour lui, c'est Ellington avant tout, un peu à la Ben Webster ! Il a eu un excellent professeur : son père est un véritable musicologue et il connaît des choses incroyables !

Y a-t-il des désirs inassouvis chez Félix Simtaine ?

Il y a eu, mais il n'y a plus ! Un moment, j'aurais bien voulu habiter New York, mais j'aurais déjà été très content d'habiter Paris : je me souviens qu'à une époque où, pour des raisons familiales, le jazz avait été un peu mis au placard, j'étais entré dans une grande société fromagère française. On m'avait laissé entrevoir qu'ils cherchaient des gens disponibles pour aller à Londres, ouvrir une nouvelle succursale et je me disais : "Tiens, ça ne serait pas mal Londres". J'ai toujours aimé les grandes villes et je trouve de plus en plus que Bruxelles est étouffante, tellement petite… le pays aussi d'ailleurs, très étouffant pour beaucoup de raisons !