L'ACT(E) de FOI DE FELIX SIMTAINE

par Claude Loxhay (1990)

Le mois passé, Claude Loxhay avait retracé pour nous, disques à l'appui, la carrière de Félix Simtaine, belgian drummer n°1. Il avait toutefois volontairement omis de parler en détail du rand Œuvre de notre Félix : l'Act Big Band, cette unique machine à swing qui fêtait l'an passé son dixième anniversaire.
Voici donc la deuxième partie de ce portrait, zoom braqué sur L'Act(e) de Foi de monsieur Simtaine.

À différentes reprises, les membres des Lundi d'Hortense s'étaient regroupés en "Hortensemble", comme à l'occasion de ce premier festival d'Automne de Louvain-La-Neuve, où ils s'étaient voués à l'exécution de "In C" de Terry Riley : il y avait du big band dans l'air. Particulièrement motivé, Félix décide, en mars 79, de mieux structurer ces ensembles éphémères pour constituer un véritable Big Band : ainsi naît Act 12, constitué comme il se doit de.. 13 musiciens.

Act : la Bonne Equipe

Michel Herr (pn), Freddie Deronde (cb) et Félix lui-même constituent la base pulsante que viennent étoffer la guitare de Bill Frisell -arrivé en Belgique au sein du Mauve Traffic de Steve Houben- et le vibraphone de Guy Cabay. La section des cuivres est constituée de Richard Rousselet et de l'Amériain Charlie Green -basé aux Pays-Bas- (tp, flh), de Paul Bourdiaudhy et André Knapen (tb); quant à la section des saxes, on y trouve Steve Houben (as), Robert Jeanne (ts), Johan Vandendriessche (bs) et.. Jack Van Poll (ts) (1). Très rapidement, la formation se fait connaître. Elle joue au Brussels Loft, en juin; le 28 juillet, on la retrouve en concert sur la Grand Place, puis, le lendemain, au Festival de Gouvy. Très vite, Félix se rend compte qu'il faudra souvent parer au plus pressé et trouver un remplaçant au pied levé pour chaque titulaire empêché (c'est ainsi qu'Edmond Harnie, vieil habitué du Clarke-Boland Big Band, remplace Rousselet à Gouvy). Le succès est total : Act crée "l'événement belge du Festival" (La Meuse) et Le Soir parle "du plaisir de marier le modernisme de conception avec le son pulpeux des grandes formations". On se plaît à souligner la qualité des solistes et la "rythmique impeccable". En 80, Act se retrouve à Theux, en février, au Théâtre National en mars, au Temps des Cerises de Florette en été, au Festival de Haren en septembre et aux halles de Schaerbeek en novembre. Partout, on s'empresse de vanter son répertoire à 90% original, ainsi que les arrangements signés Michel Herr, Guy Cabay, Steve Houben, Bill Frisell ou Christine Schaeller. C'est qu'en effet, la chanteuse suisse a convié le groupe, en mai, au studio Caramelle de Bruxelles, afin d'y enregistrer une face de son disque Real Life, titre repris d'une composition de Paolo Radoni, devenu entre-temps membre de l'orchestre en lieu et place de Bill Frisell. La formation a encore connu d'autres mutations : Charles Green a cédé sa place à Nicolas Fissette; Jean-Pol Danhier a succédé à André Knapen, John Ruocco à Jack Van Poll, J-L Rassinfosse à Deronde. Enfin, mais là il s'agit de substitutions temporaires, Henri Solbach -qui vient juste de faire un brillant come-back avec Saxo 1000- tient le baryton et Charles Loos le piano.

Christine Schaller + Act : Real Life
M.L.Car 80062
Ventura/ Fidji/ New One/ Scoubidou (2)

Qu'elle ait écrit des paroles pour ses compositions Fidji ou New One, ou qu'elle interprète le thème en scat (Ventura, du bassiste Pavel Pesta, et Scoubidou), Christine Schaller place sa voix à la masse sonore de l'orchestre et laisse une large place aux solistes (Jeanne, Ruocco, Houben, Cabay). Porté par le drive soutenu de Félix, tantôt le soliste engage un dialogue avec l'orchestre (Bourdiaudhy dans Fidji), tantôt s'ébauchent des échanges à trois, comme dans ce passage cb, pn, vbes dans le même Fidji, thème qu'Act reprendra souvent par la suite.

L'accueil dans la presse est très chaleureux. Jazz Hot (N°402) parle d'"arrangements efficaces et colorés" dans lesquels "chacun donne la pleine mesure de ses possibilités", tandis que Jazz Mag (n° 324) voir en Christine Schaller une "chanteuse jazz marquée par une formation contemporaine" dont la "décontraction est assez inhabituelle", pour souligner ensuite ses talents d'arrangeur et les qualités de la formation : "Ses arrangements sont forts bien servis par l'Act 12 Big Band.. Une formation riante". Quant au mensuel des Lundis, il résume très bien les qualités de cet enregistrement quand il dit : "Christine Schaller a fourni à Act des arrangements qui mettent en valeur à la fois les ensembles, les solistes et ses improvisations vocales". Ecoutez notamment C. Schaller dans son beau solo scat sur New One, admirablement soutenue par Félix.
La même année, en octobre, Act participe au mastodonte "Ecoutez, c'est du Belge", grande "Foire aux Musiques" organisée par le Cirque Divers sur les anciens terrains des Usines à Cuivre de Liège, en ce lieu excentrique dans les deux sens du terme. L'entreprise ne manquait pas d'audace puisqu'il s'agissait de brosser rien moins qu'une "fresque musicale de la musique religieuse à la musique prospective" : le vendredi était réservé au jazz, de Sadi à Goudbeek ou Van Hove. Pourtant, ce fut le dimanche en avant-soirée, juste avant la New Wave et les groupes Punk que Félix Simtaine, la baguette en bataille, dut affronter le public.. clairsemé, mais très vite conquis. L'orchestre s'est étoffé : il comprend alors quinze musiciens :
Richard Rousselet, Bert Joris, Nicolas Fissette (tp) , André Knapen, Paul Bourdiaudhy, Jean-Pol Danhier (tb), Steve Houben, Robert Jeanne, John Ruocco, Greg Badolato (sax), Michel Herr (pn), Guy Cabay (vbes), Paolo Radoni (gt), Jean-Louis Rassinfosse (cb), Félix Simtaine (dms).
On le voit, il s'agit dans les grandes lignes, de la formation qui participa au deuxième enregistrement quelques mois plus tard, à l'exception de Greg Badolato, transfuge momentané du quintet Loos-Lazarevitch. Les principaux solistes -Herr, Radoni, Rousselet, Joris, Houben, Ruocco, Danhier- sont, eux, bien en place pour quelques années.
1981 sera une année particulièrement prolifique. On retrouvera Act un peu partout : du Midelheim au Festival de Wallonie en passant par la fête du Drapeau Rouge à Bruxelles, du Théâtre 140 au Chapati Two et, que ce soit sous chapiteau (comme à Florenville) ou en plein air (comme au Parc de la Boverie à Liège ou Place de la Monnaie à Bruxelles) l'orchestre remporte le même succès. 1981, c'est aussi l'année du deuxième disque. Soucieux de l'impact du public sur ses musiciens, Simtaine a décidé d'enregistrer son disque en public : une partie sera réalisée au Chapati Two d'Ensival, le 6 février, une autre, deux jours plus tard, au Beursschouwburg à Bruxelles.

Act Big Band : Act Big Band (1981)
LDH 1002
Nicolas Fissette, Alain Devis, Bert Joris, Richard Rousselet (tp), Paul Bourdiaudhy, André Knapen (tb), Jean-Pol Danhier (tb, tu), Steve Houben (as, ss, fl), John Ruocco (ts), Robert Jeanne, Pierre Vaiana (ts), Johan Vandendriessche (bs, picc), Paolo Radoni (gt), Guy Cabay (vbes), Michel Herr (pn), Jean-Louis Rassinfosse (cb), Félix Simtaine (dms) : Bad Fever/ Song for Micheline/ I remember Barney/ Alliz Dog/ For Peanuts/ 43th Joy Street/ Nose Drops.

Dans des liner notes qui seront reprises par la suite dans la plupart des chroniques du disque -du périodique des Lundis à Jazz Hot ou Jazz Mag- Félix Simtaine situait la démarche de sa formation quelque part dans la lignée des formations de Thad Jones/Mel Lewis, Gil Evans ou Globe Unity : Mel lewis pour le swing et la pulsion de la masse sonore, Gil Evans pour le souci de rupture des sections traditionnelles et le son moelleux de certains ensembles (combinaison de soprano, flûte, bugle ou trompette bouchée), le Globe Unity -celui sans doute de "Compositions" (3)- pour ses recherches libertaires ou l'inspiration de certains solos (Danhier dans 43th Joy Street fait référence de manière évidente à Albert Mangelsdorff, l'une des clés de voûte du Globe Unity). Des trois enregistrements d'Act parus à ce jour, ce LP est assurément le plus audacieux, celui ou Simtaine et ses arrangeurs (Herr et Houben) ont laissé le plus d'échappées vers le free, tendance elle-même favorisée par l'enregistrement live. Incontestablement, l'introduction free de 43th Joy Street sur fonds de percussions, et son étonnant solo de trombone, accompagné de vocalises (J-L Rassinfosse y allait alors d'une étonnante prestation vocale) constituaient l'un des moments les plus spectaculaires des concerts de l'époque.


Au-delà des références citées, Act était une des premières formations européennes -avec le Vienna Art Orchestra de Mathias Ruegg et le Pandemonium de François Jeanneau- à joindre les qualités du Big Band (swing, masse sonore) à celles de ces formations (nonet ou tentet) intermédiaires entre combo et grand orchestre. Comme ces dernières, qu'il s'agisse du tentet de Mulligan ou de ces formations réunies autour de Miles pour Birth of the Cool, Act supprime la division en sections, transforme chaque musicien en soliste et permet de nouvelles combinaisons sonores, telle cette opposition entre l'aigu du piccolo (Vandendriessche) et le grave du tuba (Danhier) ou du trombone (Knapen). La formation réunie par Félix est aussi, avant le onztet de Patrice Caratini de l'O.N.J. Mouture Antoine Hervé, une des premières à joindre aux instruments à vent guitare et vibraphone qui étoffent la section rythmique. Act fait preuve à l'époque d'un évident souci d'originalité.
L'accueil dans la presse étrangère est d'ailleurs enthousiaste. Dans son n° 401, Jazz Hot parle "d'écriture élégante et contrastée" :
"Les orchestres dont il faut souligner la richesse et la palette sonore sont d'un esprit, d'une conception résolument moderne". "L'Act Big Band rassemble les personnalités lles plus actives du jazz belge et s'affirme comme l'une des plus intéressantes grandes formations actuelles".

Trois mois plus tard, dans le n° 403, Franck Bergerot vante le "drive impeccable" de Félix, mais aussi les qualités de solistes, d'Houben à Radoni et surtout John Ruocco qui "fait preuve d'une générosité éblouissante" notamment avec Bad Fever, Nose Drops et Alliz Dog joué en duo avec le batteur.
Les critiques français avaient par ailleurs pu entendre Act en concert puisqu'en janvier 1982, Simtaine et ses musiciens étaient accueillis au Centre Culturel de la Communauté Française, l'actuel Centre BeauNord, en plein cœur de Paris, lors d'une semaine consacrée aux Lundis d'Hortense, puis s'étaient retrouvés pour célébrer, en musique, l'anniversaire de la fille de Félix.
Act connaît alors une activité débordante. Ainsi, en quelques mois, pourra-t-on le voir trois fois à Liège : au Nouveau Gymnase dans le cadre de l'Euregio (Peter Vandendriessche venait tout juste de remplacer Steve Houben), au Lion s'Envoile (pour un concert mémorable qui, exceptionnellement avait réuni les deux artistes) et au Foyer Culturel du Sart Tilman. Aux thèmes du deuxième disque et à Fidji sont venus s'ajouter des compositions de Pirli Zurstrassen et un étonnant Diachrome de Denis Pousseur qui, maleureusement n'a jamais été enregistré par la suite : on y trouvait notamment de passionnants passages réservés aux seuls trombones et un quintet de saxophones d'une inspiration très moderne. Félix aimait également intégrer à son répertoire My first love song de Bob Brookmayer, l'un des rares thèmes à n'être pas une composition originale du groupe.
En 1983, l'orchestre se retrouve au 140 à Bruxelles, au Vismarkt à Louvain ou encore à Lille pour le festival des Plats Pays, manifestation culturelle très variée au cours de laquelle Act représente brillamment je jazz belge.
En novembre de la même année, il participe au premier festival des Lundis d'Hortense à la Maison de la Culture de Woluwe St Pierre, où il partage l'affiche avec Toots Thielemans, Philip Catherine, Steve Houben + Strings ou le quartet Herr-Engstfeld. Neuf mois plus tard, c'est au Festival de Deigné que l'on retrouve Félix et les siens. La formation a encore été modifiée. Paolo Radoni et Guy Cabay ont définitivement quitté l'orchestre; Alain Devis et Nicolas Fissette ont cédé leur place à René Desmaele et Patrick Mortier (4), André Knapen a disparu au profit de Marc Godfroid (un habitué du Big Band de la BRT) et J-P Pottiez; Steve Houben et Robert Jeanne sont partis et John Ruocco est alors retourné aux Etats-Unis. Aux côtés des deux frères Vandendriessche, Pierre Vaiana est devenu le principal soliste de la section des saxophones, épaulé pour l'occasion par Philippe Venneman, le ténor du groupe flamand Jazz Circle.
Le répertoire lui aussi s'est modifié. Si on a conservé un 43th Joy Street de plus en plus délirant, sont venus s'adjoindre une nouvelle composition de Michel Herr, Pentaprism, et deux thèmes repris par Wayne Shorter : Ana Maria qui permet à Bert Joris de prendre un magnifique solo de bugle, et Witch Hunt où se mettent en valeur J-L Rassinfosse, Philippe Venneman et Michel Herr au piano électrique.
Quant les liégeois retrouvent Act à la Chapelle, le 18 mars 86, la formation a encore évolué : Serge Plum et Eric Verhaegge ont succédé à Desmaele et Mortier; J-P Pottiez a disparu de la section de trombone; John Ruocco a, lui, retrouvé son pupitre au sein des saxes et Philippe Aerts a remplacé Rassinfosse. Le répertoire est alors à mi-chemin entre le LP Live et le futur CD Extrêmes. De l'un, on a conservé Bad Fever (avec de superbes solos de Ruocco et Joris), Nose Drops, Song for Micheline, For Peanuts (avec des solos des frères Vandendriessche, de Rousselet et de Félix particulièrement inspiré); et l'inévitable 43th Joy Street sur lequel Danhier prend toujours un solo mais sans fonds vocal (Jean-Louis n'est plus là !). Du futur compact, Act interprète déjà Pentaprism, la complexe composition de Michel Herr, Ana Maria de Wayne Shorter et Rough Business, composition de Jean Warland, sur laquelle les solos de Richard Rousselet, P. Bourdiaudhy, S. Plum, J. Vandendriessche se succèdent à une cadence effrénée. Sont aussi au répertoire : My first love song de Brookmayer, Witch Hunt de Shorter, Love for Sale sur un arrangement de Francy Boland et J.T., un indicatif d'émission arrangé par Michel Herr et donnant lieu à de superbes chases entre les autres saxophonistes mis sur orbite par les tambours de qui vous savez.
Le 19 octobre 1986, on retrouve Act en première partie des Jazz Messengers, au Conservatoire de Liège, lors du Belga Jazz Festival (avec aux ténors un nouveau venu, Kurt Van Herck, et l'américain Dave Peterson et en invité J-P Catoul au violon). Quelques jours plus tôt, l'orchestre avait donné, au Botanique, un concert que la RTB 3 diffusera dans l'émission L'Improviste. On se rapproche de plus en plus du futur CD : Vaiana et Ruocco ont cédé la place à Van Herck et Erwin Vann, tous deux membres à l'époque du Northsea Jazz Tentet de Jack Van Poll. Catoul (vln) apparaît en invité sur Omnitonic et enfin, exceptionnellement, Gino Latucca s'est joint à la section de trompettes. À Rough Stuff de Warland s'ajoute de nouveaux thèmes : Omnitonic de F. Boland, Re d'Arnould Massart et Extrêmes de Michel Herr. En novembre 86, Félix et ses kids se retrouvent au studio Igloo pour l'enregistrement d'un compact disc : 64 minutes de swing mené tambour battant :

Act Big Band : Extrêmes
Igloo Igl 044 CD
Bert Joris, Serge Plum, Richard Rousselet, Eric Verhaegge (tp), Paul Bourdiaudhy, Marc Godfroid (tb), Jean-Pol Danhier (tb, tu), Peter Vandendriessche (as), Kurt Van Herck (ts), Erwin Vann (ts, ss), Johan Vandendriessche (bs, fl), Michel Herr (pn), Philippe Aerts (cb), Félix Simtaine (dms) + invités : J-P Catoul (vln), Joe Lovano et John Ruocco (ts), Rough Business/ Ana Maria/ Rough Stuff/ Easy Fucksong/ Pentaprism/ Omnitonic/ Extrêmes/ In a sentimental mood/ Re.

À la formation de quatorze musiciens viennent s'ajouter Catoul comme lors des précédents concerts, mais aussi John Ruocco sur Re et Joe Lovano sur Extrêmes et In a sentimental mood, qui nous réserve un extraordinaire solo de ténor : comme l'écrit Bernard Legros (J in T n°1) "il vaut déjà le déplacement à lui seul" ! Le répertoire fait une large place au swing tel que Félix l'admire chez Mel Lewis : les compositions de Warland, Boland et Bert Koris, ou le retour à Ellington y sont pour beaucoup. Les compositions de Michel Herr, d'une écriture très originale, sont d'une structure plus audacieuse et les solos nous réservent encore de beaux chases - comme cet échange à trois entre le tuba de Danhier et les deux trombones dans Rough Business.


En août 87, Act se retrouve une nouvelle fois au Middelheim, avec la formation et le répertoire du CD : Pentaprism avec Rousselet et Johan Vandendriessche en vedette, Omnitonic (joué sans violon), In a sentimental mood avec un solo de ténor de Kurt Van Herck, Ana Maria et le lyrique Bert Joris, Easy Fucksong et sa succession de riffs ravageurs, Rough Business qui ne comporte pas moins de huit solistes, et Extrêmes dont le solo est pris ici par Peter Vandendriessche. L'année suivante, en mai, Act joue à Terneuzen et Félix se voit inviter par Mel Lewis au Village Vanguard. Mais le Big Band est une structure lourde à déplacer ainsi faudra-t-il attendre plusieurs mois pour revoir l'orchestre dans la région liégeoise, en l'occurrence au premier Jazz au Château d'Oupeye en août 89. Le temps d'un concert, Nicolas Fissette, enfant d'un pays, a retrouvé son pupitre, Bart Denolf remplace Philippe Aerts et Phil Abraham a rejoint la section des trombones : comme à chaque fois, la cohésion est la même. En dix ans d'existence, Act aura vu se succéder en son sein les meilleurs musiciens et, quelle que soit la formation, c'est la même griffe qu'on retrouve : celle de Félix et de son drive, celle de Michel Herr et de sa direction musicale rigoureuse. Qu'il s'adjoigne l'apport de solistes complémentaires (Catoul, Jon Eardley, Lovano), qu'il accompagne le chanteur Joe Lee Wilson ou notre Toots Thielemens national, Act garde la même vigueur et la même originalité. Une telle constance, si rare dans notre pays, devra bien déboucher prochainement sur un nouvel enregistrement et un nouveau répertoire. Réel ambassadeur du jazz belge, Act n'a rien à envier -sur le plan musical s'entend (5)- à son homologue français, l'O.N.J.

Coda : Kids

"..Je resterai toujours avec les jeunes, ça garde l'esprit alerte.."

Cette phrase célèbre d'Art Blakey illustre parfaitement le parcours de Félix Simtaine. C'est par cette citation que débutent les notes consacrées à ce même Félix dans le CD de promotion "Le jazz perd le Nord", qui vise à présenter quelques-uns de nos meilleurs talents actuels (6). En susciter de nouveaux, transmettre toute son expérience à de jeunes musiciens, c'est là toute l'entreprise de Félix, que ce soit avec Act ou au sein de petites formations tel ce quintet Nathalie Loriers, Jean-François Prins, Erwin Vann et Jean-Lou Baudhuin, ou ce quartet avec Kurt Van Herck, Bart Denolf et encore Nathalie Loriers, quartet qui participait au dernier Jazz rallye en mai dernier. Rompre avec la routine, être toujours confronté à des situations nouvelles, cela constitue pour lui un challenge vivifiant tout autant que de retrouver ses anciens compagnons. Jouer, mais toujours avec un plaisir renouvelé, avec la sensation que tout est remi en question à chaque occasion. C'est ce que j'ai pu constater lors des derniers concerts liégeois en date de Félix :

- 30 mai, Lion s'Envoile : le compagnon de toujours, Jack Van Poll présente son trio et annonce la chanteuse Déborah Brown. Standards et classiques du jazz se succèdent : cela pourrait tenir de la routine mais d'un autre côté, un grain de sable aurait pu tout faire basculer ; Philippe Aerts était indisponible et Jack van Poll amena avec lui un bassiste au nom imprononçable (Andrzej Szusnik ?); Déborah aura vite résolu le problème et dira simplement Andrew.. Ce jeune musicien ne manque pas de qualités et fait preuve d'une étonnante vélocité au cours de ses solos : mais il faut jouer sans avoir répété.. Qu'à cela ne tienne, Félix a vite mis son jeune compagnon en confiance. Il est heureux.

- 31 mai, Palais des Congrès : John Ruocco a connu des problèmes avec les chemins de fer, le train l'a déposé à Maastricht où il a fallu aller le chercher en catastrophe : il ne sait pas trop s'il aura un train pour retourner à La Haye, mais qu'importe, les quatre musiciens sont là pour recréer la magie du disque Soon Spring..
Quelques thèmes au ténor, un étonnant Boo-Dah à la clarinette.. La magie opère, les quatre hommes ont vite retrouvé leurs marques.. Complice, Félix lorgne vers ses compagnons : il joue, il est heureux.. Nous aussi..