Jazzophone
Printemps
83
Si l'on ne
pouvait tout entendre de la totalité des concerts proposés
en décembre par le Centre Culturel de la communauté
française de Belgique, il fallait réserver sa soirée
du 13 décembre pour entendre l'Act big band qui clôturait
à merveille cette semaine de musique belge. De fait on
pouvait, en écoutant la grande formation du batteur Félix
Simtaine, faire connaissance avec un large éventail de
musiciens belges venus de tous les horizons. Le répertoire
lui-même aux influences tout aussi diverses , mais bâti
d'une manière originale et homogène, est composé
par plusieurs des plus talentueux instrumentistes de l'orchestre
: John Ruocco, Steve Houben, Michel Herr (p), Félix Simtaine
(drm), ainsi que par un étranger à la formation,
l'américain Bill Frisell, guitariste qui ne devrait pas
tarder à faire parler de lui. Les noms de ces musiciens
évoquent celui de Saxo 1000, cet orchestre de saxophones
réuni autour de la plume de Michel Herr pour rendre hommage
à René Thomas et Bobby Jaspar. Ici le repertoire
n'est plus consacré aux seules anches d'Adolphe Saxe et
s'il rattache encore à la vieille tradition solaire d'un
Count Basie (via Thad Jones / Mel Lewis), il n'hésite pas
à s'égarer sur les voies lactées d'un Gil
Evans avec des pointes vers les super novae des musiques libertaires,
pointes parfois acerbes revisitant les lieux communs du free avec
un humour des plus vivifiants. Du truculant batteur Félix
Simtaine au vibraphoniste plus éthéré Guy
Cabay, la plupart des solistes seraient à citer. On retiendra
une fois de de plus trois noms qui reviennent chaque fois que
l'on évoque la Belgique : l'alto et flûtiste Steve
Houben qui emmène la section des saxes avec un drive peu
commun, le fantasque John Ruocco tout aussi à l'aise dans
le style affirmatif d'un Brecker que dans les cris et chuchotements
de la crise de conscience qui, chez lui, ne sont pas sans rappeler
Sonny Rollins; enfin le pianiste Michel Herr, déjà
présenté aux lecteurs du Jazzophone qui, à
l'issue du concert, me confia les trois premières parutions
d'un nouveau label discographique. Celui-ci, sous le sigle LDH
( de l'Association pour la diffusion du jazz "Les Lundis d'Hortenses")
s'illustre au premier abord par une grande qualité du travail
de production tant sur le plan graphique que sur le plan sonore.
Lorsque l'on
parle de jazz européen on pense souvent à un vaste
réseau de circulation, d'où la France semble exclue,
qui irait de Grande Bretagne en Italie en passant par la Hollande
et l'Allemagne. Sans parler de l'Autriche de la Suisse, il faudrait
penser à y inclure la Belgique si l'on examine de près
la diversité d'origine des musiciens du catalogue LDH ainsi
que le théâtre de leurs activités. On y constate
également des contacts privilégiés avec les
Etats-Unis (d'où proviennent certains membres d'Act big
band), souvent semble-t-il, par le biais de la Berklee School
qui ne fait pas que des dégâts contrairement à
ce que prétend une opinion très répandue.
(De nos jours, grâce aux écoles de jazz, même
un âne peur acquérir la plus haute technicité
et grimper en tête du hit parade. Est-ce une raison pour
ne voir et entendre que les ânes ?)
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