Félix Simtaine, le joyeux
Ten-Tamarre
par Claude LOXHAY
Figure emblématique
du jazz en Belgique, Félix Simtaine a côtoyé,
en quarante ans de carrière, les meilleurs musiciens du
Nord comme du Sud du pays et croisé la route de nombreuses
pointures américaines, de Chet Baker à Joe Lovano,
Joe Henderson, George Coleman, Pepper Adams ou Lew Tabackin. Après
avoir drivé, pendant près de vingt ans, le légendaire
Act Big Band et été le premier batteur du Brussels
Jazz Orchestra, le voici à la tête d'un bouillant
et festif Ten-Tamarre qui constitue, avec le groupe Octurn, l'une
des têtes d'affiche belges à Liège 2002.
Admirateur de Gene Krupa, Mel Lewis
mais aussi de Daniel Humair et Bill Stewart, Félix Simtaine
doit ses premiers rêves de musicien à son père
: "Quand j'étais gosse, à Verviers, mon père
tenait un cinéma et, quand il n'y avait pas de séance,
j'installais, sur la scène, des pupitres d'orchestre qui
étaient restés dans la réserve depuis les
temps du music-hall. C'était mon big band à moi."
A seize ans, fidèle des jams organisées dans sa
ville natale par le Hot Club de Belgique, il trône derrière
sa première batterie. En 1979, il fonde l'Act Big Band
qui, durant vingt ans, contre vents et marées, réunira
la crème du jazz belge et, en 2000, avec son vieux compère
Michel Herr, il fonde Ten-Tamarre, un percutant tentet qui, pour
Jazz à Liège puis pour le Gaume Jazz Festival, réunit
les trompettistes Gustavo Bergalli (compagnon de Claudio Roditi
au sein du quintet de Klaus Ignatzek) et Alexandre Plumacker (l'un
des piliers du big band Evasion), le tromboniste Phil Abraham
(l'un des rares Belges à avoir fait partie de l'ONJ français
à deux reprises), le saxophoniste ténor Fabrice
Alleman et le baryton Marcus Barteldt (révélé
par Jean Warland), le violoniste Jean-Pierre Catoul (qui, à
ses débuts, avait joué au sein de l'Act Big Band),
le contrebassiste Jean-Louis Rassinfosse (le compagnon de toujours)
et le percussionniste Michel Seba. Compositions originales de
Michel Herr, classiques du jazz signés Charles Mingus ou
George Wallington constituent un répertoire éclectique
qui convient à merveille au détonnant tentet qui
allie swing et humour : notamment dans un sidérant numéro
de scat dans lequel Phil Abraham est rejoint par Rassinfosse et
Alleman. Ten-Tamarre renoue avec les débuts aventureux
d'Act, l'époque tumultueuse de 43th Joy Street de
Bill Frisell et Bad Fever de Michel Herr. En 2001, la formation
est invitée au club De Werf à Bruges où elle
faite forte impression, tourne en Flandre grâce aux Jazz
Lab Series et, en Wallonie, se produit, entre autres, au Jazz
al'Trappe d'Alleur : l'alto de Ben Sluijs se substitue alors au
violon de Jean-Pierre Catoul et, par la suite, Erwin Vann succède
à Fabrice Alleman. Si Mingus et Wallington restent au répertoire,
compositions et arrangements font la part belle aux musiciens
belges : Michel Herr, Phil Abraham, Paolo Radoni, Erwin Vann,
et Peter Hertmans. Depuis toujours, Félix a aimé
mêler les styles et réunir musiciens de générations
très différentes.
Un parcours éclectique
:
Après ses débuts verviétois,
Félix rejoint les Liégeois Robert Jeanne et Léo
Fléchet puis, dans leur sillage, René Thomas : de
cette époque, la trace de deux thèmes subsistent
sur le CD "Guitar Genius". En 1969, Félix s'installe à
Bruxelles et participe successivement aux groupes Cosa Nostra
de Jack van Poll et Solis Lacus de Michel Herr inscrits tous deux
dans la mouvance jazz-rock, ce qui ne l'empêche pas de devenir
le batteur attitré de Rhoda Scott ou d'accompagner de grandes
pointures américaines telles que Joe Henderson à
Bilzen ou George Coleman au Pol's Jazz Club. Avec Michel Herr,
il enregistre "Ouverture Eclair" en trio, forme rythmique de l'octet
Saxo 1000 dédié aux compositions de René
Thomas et Bobby Jaspar, du quartet de John Ruocco (album "Soon
Spring") puis du quintet de Richard Rousselet (album "No Maybe").
Il enregistre aussi en compagnie du pianiste Charles Loos : l'album
"Sava" en quintet avec le guitariste français Serge Lazarevitch
puis en trio sur "Secret Lauch" et "En public au Travers". Avec
Charles, il joue, en quartet, tantôt avec la flûtiste
Ali Ryerson ou le ténor John Ruocco et c'est avec le pianiste
bruxellois et Jean-Louis Rassinfosse qu'il forme la première
rythmique de l'Act Big Band qui enregistre "Real Life" avec la
vocaliste Christine Schaeller : parmi les solistes de la première
formation, on retrouve Richard Rousselet, Steve Houben, Robert
Jeanne, John Ruocco, Jean-Paul Danhier, Paolo Radoni et Guy Cabay.
Dans les années 80, tout en poursuivant l'aventure de l'Act
Big Band en compagnie de Michel Herr, Bert Joris, Erwin Vann,
Kurt van Herk et les frères Vandendriessche, Félix
rejoint le groupe Trinacle de Pierre Vaiana grâce auquel
le public belge découvre le fabuleux contrebassiste Hein
Van De Geyn. En 86, toujours avec Pierre Vaiana, il participe
au quintet Diva Smiles du Brugeois Kris Defoort, puis rejoint
Serge Lazarévitch pour une tournée en France et
grave "New York Stories" avec le guitariste bruxellois Jeanfrançois
Prins. L'année 1992 sera l'occasion d'une longue tournée
en Pologne où, grâce au contrebassiste Andrzej Cudzich
qui faisait partie du quartet East and West Connection que Félix
drivait en compagnie de John Ruocco, il rencontre les saxophonistes
Jan Wroblewski, Tomasz Szukalski et Zbogniew Namyslowski ainsi
que le guitariste Jarek Smietana avec qui il enregistre l'album
"Cooperation" et qu'il retrouve Namyslowski au festival Jazz à
Liège. En 94, Félix rejoint pour un temps l'octet
Octurn en compagnie de Laurent Blondiau, Bart Defoort et Bo Van
De Werf qu'il retrouve dans la première mouture du Brussels
Jazz Orchestra. Il enregistre "Rhythm Sphere" en compagnie d'Eric
Legnini, Philippe Aerts et Joe Lovano, tourne avec le trio de
Lew Tabackin (album "L'Archiduc, round about five") et le quintet
des barytons Bo Van De Werf et Gary Smulyan. En 96, pour le label
Igloo, Félix enregistre "Intensive Act" : un album anthologie
où on le retrouve en quartet avec André Donni (cl),
Eric Legnini (p) et Philippe Aerts (cb), en quintet avec les barytons
Gary Smulyan et Bo Van De Werf, en solo absolu pour Leedy Babylass
et en compagnie de la dernière mouture d'Act Big Band.
Avec Jean Warland, il forme ensuite la rythmique de l'"Hommage
à René Thomas" concocté par Fabien Degryse
: c'est avec cette formation et son Act Big Band qu'il fête
ses soixante ans au festival Jazz à Liège en 1998.
Outre son groupe Ten-Tamarre, il retrouvera prochainement Rhoda
Scott et tournera avec un trio hors norme comprenant Michel Hatzi
à la basse et Kurt Van Herk au ténor : Félix
n'a pas fini de nous étonner.
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